Le travail de demain : des attentes nouvelles, une valeur constante
Le Covid-19 a entraîné de multiples changements et accéléré de nombreuses tendances à long terme qui caractérisent l’évolution du monde du travail.
L’une des plus importantes concerne notre façon de travailler.
Le travail post-pandémie : vers une redéfinition des priorités et une réduction du temps de travail
Au point culminant de la pandémie, un grand nombre de salariés sont passés au télétravail en un rien de temps. D’autres ont vu leur activité bousculée par de nouvelles réglementations. Face à ces bouleversements, beaucoup ont ressenti le besoin de réévaluer leurs priorités personnelles.
Aujourd’hui, dans de nombreuses régions, on observe une diminution du temps de travail. En effet, une étude menée par l’institut de recherche ADP a révélé que la semaine de travail moyenne en 2023 était la plus courte depuis cinq ans. La baisse la plus importante du nombre d’heures travaillées concerne le quartile le mieux rémunéré, ce qui suggère qu’au moins une partie de cette évolution est liée à un choix, plutôt qu’à une restructuration interne ou à un manque de demande. Les femmes et les jeunes actifs figurent en tête des groupes qui ont réduit leur temps de travail, ce qui confirme l’existence d’un changement d’attitude substantiel. Cette tendance s’illustre également par d’autres facteurs démographiques : par exemple, des études relatives à la main-d’œuvre aux États-Unis indiquent que depuis la pandémie, les travailleurs plus âgés quittent le marché du travail à un rythme record, entraînant une augmentation des départs à la retraite anticipée.
Dans leur quête d’un nouvel équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les employés cherchent parfois des postes à temps partiel ou optent pour des contrats flexibles qui leur permettent de varier leurs horaires. Barry Asin explique que dans le secteur de la santé, par exemple, le recours à des horaires de travail flexibles est de plus en plus fréquent.
« Beaucoup de professionnels de la santé indiquent que les emplois traditionnels ne leur conviennent plus »
« Ils préfèrent de loin l’intérim, c'est à dire travailler pendant trois mois, puis prendre trois mois de congés pour récupérer ».
Barry Asin, analyste principal au sein de la société mondiale de conseil en solutions de recrutement et de main-d'œuvre Staffing Industry Analysts (SIA)
Outre le temps passé au travail, il y a aussi la question du lieu où le travail est effectué. « Aujourd’hui, les candidats demandent systématiquement un mode de travail hybride », explique Verónica Rodríguez Largacha, directrice des ressources humaines pour l’Espagne et le Portugal au sein du groupe Bosch.
Comme beaucoup d’autres entreprises, Bosch s’efforce de répondre à l’évolution des attentes des employés sans négliger les besoins de l’entreprise. Cependant, la finalité est claire, selon Verónica Rodríguez Largacha : « Il est préférable pour l’entreprise d’avoir des employés heureux, car les employés heureux sont des employés performants. »
L’importance du travail dans notre société
Bien que de nombreuses personnes réévaluent leurs priorités et travaillent moins d’heures, il n’en reste pas moins que le travail revêt une importance fondamentale pour notre société.
« Cela nous ramène à la pyramide des besoins d'Abraham Maslow »
« Le travail nous assure un niveau de sécurité élémentaire, en nous offrant un moyen de sécuriser nos revenus »Viktorija Proskurovska, responsable de l’intelligence économique à la World Employment Confederation (WEC)
Cependant, une fois que nous avons satisfait ce besoin de sécurité, nous considérons le travail comme étant plus qu’une simple source de revenus. « Il peut renforcer notre sentiment d’identité, nous offrir un objectif et une ligne directrice, nous donner confiance en nous et nous permettre de tisser des liens sociaux », explique Viktorija Proskurovska. D’ailleurs, les répercussions du chômage sur la santé mentale peuvent être lourdes.
Si le rapport au travail évolue dans toutes les régions du monde, ce n’est pas toujours dans le même sens. En effet, l’enquête The World Values Survey 2023 révèle que si 73 % des travailleurs britanniques et 80 % des travailleurs américains considèrent le travail comme un aspect très important ou relativement important de leur vie, on constate des chiffres bien plus élevés dans d’autres pays. C’est le cas des Philippines et de l’Indonésie, qui enregistrent des scores allant jusqu’à 99 %. L’une des raisons évidentes est que les travailleurs des pays en voie de développement n’ont pas le luxe de pouvoir s’éloigner de leur travail, comme c’est le cas dans les pays plus développés.
Il est frappant de constater que, malgré l’évolution des priorités des professionnels, le nombre d’actifs a augmenté ces dernières années. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), le chômage mondial a progressivement diminué depuis le pic enregistré au début de la pandémie, pour atteindre 5,3 % en 2022, soit un niveau inférieur à celui de 2019. Ainsi, le travail conserve toute sa pertinence et son importance pour la grande majorité de la population.
Quelles conséquences pour les entreprises ?
L’étude The Work We Want, menée par la WEC en partenariat avec Gi Group Holding révèle que les cadres supérieurs ont conscience du changement important de ces priorités. En effet, 86 % des répondants européens estiment que les employés accordent désormais autant d’importance à la flexibilité qu’à des facteurs tels que le salaire, tandis que 81 % d’entre eux déclarent que l’idée d’une personne suivant une seule voie professionnelle tout au long de sa vie est définitivement révolue, les professionnels recherchant plus de variété dans leur parcours.
Ce phénomène implique diverses conséquences pour les entreprises. L’une d’elles est la nécessité d’accepter que les talents arrivent sur le lieu de travail avec des attitudes et des attentes différentes. Par conséquent, il est important d’offrir un large éventail d’opportunités et d’options aux professionnels pour élargir le vivier de talents. L’un des moyens d’y parvenir peut consister à recourir davantage à des intérimaires sous contrat à durée déterminée et à proposer davantage de postes à temps partiel.
Les contrats temporaires peuvent non seulement répondre au besoin de variété et d’autonomie de certains candidats, mais aussi contribuer à la prospérité de l’écosystème des compétences. Anna Gurun, directrice de l’avenir du travail au sein du cabinet de conseil britannique HSM Advisory, souligne que c’est la raison pour laquelle de nombreuses personnes possédant des compétences digitales très demandées travaillent sous contrats flexibles.
« Si vous avez des compétences techniques, vous apprenez grâce aux projets auxquels vous participez »
Anna Gurun, directrice de l'avenir du travail au sein du cabinet de conseil britannique HSM Advisory
Selon l’entreprise, il n’est pas toujours possible de proposer une variété de projets dans le cadre d’un poste permanent. Et surtout, souligne-t -elle, « l’échange de connaissances se fait dans les deux sens ». Les organisations profitent de l’arrivée de nouveaux collaborateurs tout autant que ces derniers profitent de leur propre développement.
Veronica Rodríguez Largacha explique que le désir d’un travail diversifié est particulièrement fort chez les jeunes.
« Chez les nouvelles générations d’employés, après avoir passé deux ans – ou même quelques mois – à faire la même chose, on commence déjà à chercher quelque chose de nouveau », déclare-t-elle.
Mais les entreprises ne doivent pas en déduire qu’elles perdront inévitablement des collaborateurs. Au contraire, elles peuvent aider ces profils à accéder à des opportunités d’apprentissage et les préparer à assumer de nouvelles responsabilités au sein de l’entreprise.
Par ailleurs, on met de plus en plus l’accent sur le développement autonome, en donnant aux employés plus de contrôle sur leur apprentissage. « Nous avions l’habitude d’établir des plans de carrière pour les collaborateurs », explique Veronica Rodríguez Largacha.
« Aujourd'hui, Bosch a créé un centre de compétences interne permettant aux employés de créer des profils présentant leurs compétences, ce qui leur permet de postuler à des postes vacants ou à des opportunités dédiées à des projets spécifiques. Notre message est le suivant : vous pouvez évoluer avec nous, vous pouvez choisir votre propre voie de développement. Vous pouvez concilier vie professionnelle et vie privée. Nous pouvons nous inspirer les uns les autres »
Veronica Rodríguez Largacha
Outre l’accompagnement de carrière interne, de nombreuses entreprises peuvent juger utile de s’associer à un partenaire externe en gestion de carrière. Travailler avec des consultants externes peut toujours favoriser la mobilité interne, mais certains employés peuvent être plus ouverts à partager leurs objectifs de carrière avec quelqu’un avec qui ils ne travaillent pas habituellement.
Il est indéniable que de nombreuses personnes ont décidé de revoir leur manière de travailler. Pourtant, l’importance fondamentale du travail en tant que source de revenus, de confiance en soi et de valorisation n’a pas changé.
Il n’existe pas de recette miracle pour répondre à l’ensemble des nouvelles exigences des salariés. Si les entreprises veulent rester compétitives dans la lutte permanente pour attirer et retenir les talents, elles doivent se montrer de plus en plus flexibles et réactives, et écouter attentivement les candidats lorsqu’ils expliquent comment ils veulent travailler.